Les trajets des manchots, d'année en année
Depuis fin 2002, Argonautica suit des manchots royaux qui nidifient sur l'archipel de Crozet, en collaboration avec le programme de recherche "Oiseaux plongeurs" (n°394, équipe CEBC-CNRS) soutenu par l'Institut Polaire Français (IPEV). Tous les ans l'équipe du CEBC/CNRS équipe quelques parents lorsqu'ils partent chercher de la nourriture en mer. Argonautica les suit de leurs départs à leurs retours sur une période qui peut s'étendre de décembre à début avril (à noter qu'un même nom pour Argonautica correspond depuis 2004-2005 à plusieurs individus suivis : on ne sait pas prévoir à l'avance quand se fera le changement de manchot pour les balises, surtout que certains oiseaux équipés échappent à la vigilance des ornithologues sur place).
On observe que, certaines années, les manchots vont dans l'ensemble plus au sud. D'autres années, ils restent assez proches des îles Crozet. La différence peut paraître faible quand on la lit en degrés de latitude. Mais un degré est égal à environ 110 km (la Terre fait environ 20 000 km (20 003,9315 km) le long d'un méridien (une même longitude), et il y a 180 degrés de -90 à +90 degrés de latitude). De plus, on parle ici de trajets allers-retours : le nombre de kilomètre devient vite assez important, surtout pour un manchot qui ne se déplace qu'en nageant dans l'océan, et un océan souvent déchainé.
La ligne de température à 5°C qui se trouve sur certaines cartes ("isotherme" ; NB. d'autres cartes montrent la ligne à 6°C) correspond à peu près à la limite nord du « front polaire », la limite d'influence des eaux antarctiques, dans lequel les manchots royaux de Crozet trouvent leur nourriture. Selon les années, à une même date elle est au nord de -50°, d'autres elle est au sud. Attention, il faut comparer les cartes à des dates similaires car l'océan se réchauffe au cours de l'été (ici austral donc janvier à mars), et se refroidit en hiver. Une carte de mi-décembre et une carte de début mars seront différentes de toute façon.
Notamment, à la mi-février 2003 (manchot Clémentine par exemple), cette ligne est un peu au nord de -50° de latitude, ainsi qu'en 2004 (James par exemple). Ces deux années, on observe des trajets très courts pour la plupart des manchots. Au contraire, en 2007, les manchots sont allés beaucoup plus au sud vers -54° voire un peu plus (Pigloo). Les 5°C sont nettement plus au sud que -50°.
Ces recherches à long terme permettent d'évaluer les conséquences de la variabilité climatique sur les chaines alimentaires de l'océan Indien, où les manchots royaux jouent un rôle clé.