Une bouée dans le canal du Mozambique et le courant des Aiguilles

Le 22 octobre 2021, une bouée, baptisée Aquaflex-3C, a été larguée au sud-ouest de l'île de Mayotte, dans le "canal du Mozambique", c'est à dire la partie de l'océan Indien située entre l'Afrique (au niveau de l'état du Mozambique) et l'île de Madagascar. Elle a ensuite dérivé au gré des courants et des vents jusqu'au 12 février 2022.
Son trajet comporte deux parties assez différentes : du largage jusqu'à (environ) la mi-janvier, où elle passe la pointe sud de Madagascar, et de ce moment-là jusqu'à à son arrêt mi-février 2022.

Première partie : le canal du Mozambique

Durant tout le temps où la bouée se trouve dans le canal du Mozambique, sa trajectoire fait plusieurs boucles ou virages. Dans cette partie de l'océan, on voit beaucoup de "tourbillons", repérables sur les cartes de topographie océanique par des "ronds" en bosse ou en creux. Les courants tournent autour, et avec eux les objets flottants comme les bouées. On voit également ces tourbillons dans les cartes des écarts de la topographie sous la même forme, et dans les cartes de courants sous forme d'anneaux rouges(de flèches qui forment un anneau pour la représentation avec des flèches).
Ces tourbillons peuvent être dus au fait que le courant passe par un détroit, donc un passage un peu resserré. L'écoulement de l'eau après un tel passage peut devenir turbulent et générer des tourbillons en aval. On peut observer des phénomènes similaires sur une rivière après les piles d'un pont.

  Trois exemples de moment où la bouée contourne un ou plusieurs tourbillon(s): de gauche à droite, semaines du 2 novembre 2021, 14 décembre 2021 et 11 janvier 2022 (à noter : la bouée se trouve dans l'hémisphère sud, elle tourne autour des bosses dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, autour des creux dans le sens des aiguilles d'une montre). Cliquer pour agrandir les cartes. Voir aussi l'animation superposant le trajet de la bouée aux cartes de topographie (1 carte par jour, mp4, 1.9 Mo)
 

Seconde partie : le courant des Aiguilles

Une fois sortie du canal du Mozambique, la bouée fait beaucoup moins de tours et de détours, et va assez vite surtout à partir du moment où elle longe les côtes africaines de près. Si on regarde les cartes de courants en couleurs, on voit une bande rouge qui correspond à des vitesses nettement plus rapides que dans le reste de l'océan. On est là dans le courant des Aiguilles et dans son "prolongement" (on parle de "courant de rétroflection des Aiguilles" à partir du demi-tour au sud de l'Afrique). C'est un des courants les plus puissants des océans. Des tourbillones s'y forment également, certains même se détachent du courant quand il fait un coude et passent dans l'océan Atlantique, mais il semble qu'Aquaflex-3C soit passée tout droit et n'en ai suivi aucun - peut-être aussi sous l'influence du vent.

Deux des semaines où Aquaflex-3C a suivi le courant des Aiguilles et son prolongement (8 et 15 février). À noter que pour plus de visibilité, le trajet de la semaine a été recoloré en blanc plutôt que rouge (cliquer pour agrandir les cartes). La carte de topographie est aussi intéressante à regarder, car les courants forts se trouvent là où cette topographie varie beaucoup sur peu de distance (forte pente), par exemple le 1er février. Voir également l'animation des courants et du trajet de la bouée (1 carte par jour, mp4, 3.5 Mo)
 

Et ensuite ?

La balise a cessé d'émettre le 12 février. On ne peut pas dire avec certitude ce que la bouée a pu faire ensuite. Le courant dans lequel elle se trouvait au moment de la dernière localisation peut être considéré comme la partie sud de la "gyre" de l’océan Indien (auquel cas la bouée aurait pu remonter vers le nord juste à l’ouest de l’Australie) mais aussi comme le front le plus au nord du courant circumpolaire antarctique (auquel cas, par contre, elle poursuivrait sa route entre Australie et Antarctique).